Tonique et dominante I et V
Le changement d'accord le plus important, le plus courant, le plus fondateur, est celui qui consiste à alterner entre les accords I et V, c'est à dire les accords de tonique et de dominante.
En gamme de do, cela nous donnerait les changements C -> G et G -> C. En gamme de ré, D -> A et A -> D. En gamme de sol, G -> D et D -> G. Etc.
Alternance entre les accords D et A (I et V en tonalité de ré)
Pourquoi le passage de l'un à l'autre est il aussi intéressant ? Prenons l'exemple en tonalité de do et rappelons que :
- l'accord C est constitué des notes do, mi et sol ;
- l'accord G est constité des notes sol, si, ré.
De I à V
Si les rôles de tonique et de dominante sont si importants, c'est parce que l'intervalle de quinte, qui sépare ici do et sol, est particulier : c'est l'accord le plus consonant (après l'octave) et qui permet le plus grand écart entre deux notes. Tonique et dominante partagent une relation privilégiée sur laquelle repose toute la musique tonale.
Ainsi, passer de l'accord I à l'accord V créé une tension, une déstabilisation, une impression de mouvement important, mais ce mouvement reste harmoniquement plaisant à l'oreille. Il n'y a pas de sensation de dissonance.
On peut noter que la note sol est présente à la fois dans l'accord I et l'accord V. Cette note constitue un point d'ancrage important et confère à ce changement d'accords une certaine stabilité.
En revanche, la note do est absente de l'accord V. Cela accentue l'impression d'éloignement, de mouvement.
De V à I
Passer de l'accord V à l'accord I créé une importante sensation de résolution, de « retour à la maison ».
L'accord V contient la sensible (si). Nous avons évoqué le fort pouvoir d'attraction de la sensible vers la tonique et la présence de cette note dans l'accord V contribue à conférer au mouvement V -> I cette très forte impression de résolution.
Le mouvement V -> I est tellement important, tellement courant, qu'il dispose de son propre nom en harmonie classique, il s'agit de la « cadence parfaite ». Ce mouvement ponctue probablement 95% des morceaux de musique jamais écrits, tous genres confondus.
Septième de dominante V7
L'accord V est souvent utilisé dans sa forme septième, c'est à dire avec quatre notes au lieu de trois.
Dans notre exercice d'harmonisation de la gamme, nous avons utilisé deux techniques : en empilant deux tierces, on obtenait des accords à trois notes ; trois tierces, des accords à quatre notes.
En tonalité de do, l'accord V est G (sol, si, ré). La tierce au dessus de ré est fa et c'est une tierce majeure. Par conséquent, on obtient l'accord G7.
Entre si et fa, il y a un intervalle de trois tons (le triton dont nous avons déjà parlé) ; cet intervalle considéré comme très dissonant confère à l'accord de septième un fort caractère, et accentue l'effet de tension qu'il procure. L'accord de septième est considéré très instable : on ressent fortement l'envie de l'entendre se résoudre ailleurs, en l'occurence sur l'accord de tonique.
On note que G7 contient à la fois la dominante et la sous-dominante (sol et fa) de la gamme, aussi le passage de F à G7 est facilité.
V7, c'est un peu un accord V qui aurait mangé des épinards ; on l'utilise très fréquemment sous cette forme.
I IV V7 I
Quelques exemples
Symphonie n°5, premier mouvement (final) — Beethoven
Voici un extrait de la fin du premier mouvement de la très célèbre symphonie n°5 de Beethoven. Il s'agit ici de la réduction pour piano, c'est à dire un arrangement réalisé pour un seul piano (au lieu d'un orchestre entier comme dans la composition originale).
Ce passage est dans la tonalité de do et le final consiste en un enchaînement d'accords I et V (C et G) se terminant par une cadence parfaite V -> I particulièrement emblématique.
Le Gorille (extrait) — Georges Brassens
En résumé
Les accords de tonique et dominante (I et V) jouent un rôle fondamentale dans le fonctionnement de l'harmonie. V est l'accord qui permet de créer le mouvement, I représente le retour à la stabilité.