L'harmonie fonctionnelle

Accords parallèles et substitutions d'accords

Nous avons évoqué les accords I, IV, V en long, en large et en travers mais il reste quelques accords que nous n'avons pour l'instant pratiquement pas évoqués. Les pauvres ii, iii, vi sont-ils donc condamnés à prendre la poussière ?

Absolument pas ! Car il existe un mécanisme bien commode qui consiste à substituer des accords entre eux selon la règle suivante : on considère généralement que deux accords dont les fondamentales sont séparées d'une tierce sont fonctionnellement substituables.

Les accords de médiante (iii) et de sus-dominante (vi) peuvent servir de tonique

Prenons l'exemple de l'accord I en do, donc C.

C se compose des notes do, mi et sol. La fondamentale est do. Une tierce au dessus, c'est mi ; une tierce au dessous, c'est la.

L'accord de mi (Em) est constitué des notes mi, sol et si. L'accord de la (Am) est constitué des notes la, do, mi.

Vous noterez que Em et Am partagent deux notes en commun avec C. C et Em partagent mi et sol. C et Am partagent do et mi.

	do	mi	sol	la	si
Am	*	*		*
C	*	*	*
Em		*	*		*

Le fait d'avoir les deux tiers des notes en commun font que ces accords possèdent une sonorité relativement proche, et l'on considère généralement que leurs fonctions sont similaires.

Ainsi, on considère que les accords iii et vi peuvent avoir une fonction tonique et parfois se substituer à I. Cela permet par exemple d'apporter un peu de mouvement et de variété à la progression qui autrement serait restée trop longtemps sur un accord de tonique.

Can't help falling in love — Elvis

Les quatre premières mesures de « Can't help falling in love » sont constituées des accords D, F♯m, Bm (I, iii, vi en ré) joués en arpèges (c'est à dire que les notes sont égrenées les unes après les autres).

Comme il s'agit d'une balade assez lente, on peut imaginer que quatre mesures du seul accord de tonique seraientt un peu trop monotone.

Piano

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L'accord de sus-tonique (ii) peut servir de sous-dominante

Le phénomène que nous venons de décrire découle naturellement de la manière dont nous avons harmonisé la gamme. Nous pouvons sélectionner n'importe quelles notes séparées de deux degrés (do et mi, ré et fa, sol et si, etc.), et constater que les accords correspondants partagent deux notes communes.

	do	ré	mi	fa	sol	la	si
C	*		*		*
Dm		*		*		*
Em			*		*		*
F	*			*		*
G		*			*		*
Am	*		*			*
B°		*		*			*
C	*		*		*

On constate que IV partage deux notes avec ii et vi. Toutefois, on considère que seul ii peut endosser le rôle de sous-dominante, parce que vi a déjà un rôle de tonique.

On trouve très fréquemment la progression ii V I — notamment dans le jazz – qui vient remplacer la classique IV V I. Le ii V I a un intérêt particulier : cela créé un enchaînement de quintes.

Par exemple en do, une progression ii V I donnerait Dm G C. Or ré est la quinte de sol qui est la quinte de do. Il y a quelque chose d'irréstistible dans une progression ii V I.

Mack the Knife — Louis Armstrong

        C                Dm
Oh, the shark has pretty teeth dear
       G7                C
And he shows 'em, pearly white
       Am                Dm
Just a jack knife has Macheath dear
       G7                  C
And he keeps it way out of sight

Mais les progressions ii V I ne se trouvent pas qu'en Jazz, loin s'en faut.

Island in the sun (intro) — Weezer

Quatre accords qui tournent en boucle : Em Am D G (vi ii V I) dans cette intro. Un petit rythme sympa derrière et hop ! un tube. Pourquoi faire compliqué ?

V7, seul sur son piedestal

Si nous poursuivons notre étude des accords parallèles, on constate que iii et vii° partagent deux notes avec V. Toutefois, iii endosse déjà un rôle de tonique, et on a déjà vu que vii° n'est finalement qu'un V7 amputé.

Par conséquent, l'accord V reste le seul et l'unique au sein de la gamme à endosser son rôle de dominante.

En résumé

Les accords qui partagent des notes peuvent dans certains cas endosser des rôles similaires ; il est alors possible de procéder à quelques substitutions pour apporter un peu de variété et de diversité à sa progression d'accords.