Le mode mineur

L'harmonie fonctionnelle en mineur

Nous avons dédié un module entier à l'étude de l'harmonie fonctionnelle, qui consiste à étudier les rôles que peuvent endosser les accords d'une tonalité.

Pour rappel, les trois rôles principaux sont :

  • tonique (accords I, vi et iii) : stabilité, situation initiale ou retour à la normale ;
  • dominante (V, V7) : instabilité, tension, appelle une résolution vers la tonique ;
  • sous-dominante (IV, ii) : pont entre les deux rôles précédents.

On rappelle que le but n'est pas de catégoriser des accords pour le plaisir de les mettre dans des cases, mais d'avoir une référence pour nous aider à composer des progressions d'accords intéressantes.

Or, on a déjà vu qu'en mineur, l'accord v ne remplit pas son rôle de dominante très efficacement (quel fainéant !), à tel point que nous en sommes réduit à construire une toute nouvelle gamme (la gamme mineure harmonique, pour celles et ceux qui ont du mal à suivre).

Le cadre de l'harmonie fonctionnelle s'applique moins bien en mineur

L'harmonie fonctionnelle n'est pas une règle obligatoire : il s'agit d'un cadre d'étude utile pour mieux comprendre ou composer la musique.

Ce cadre a clairement été pensé pour le mode majeur et fonctionne de manière moins évidente en mineur.

Qu'à cela ne tienne, nous allons néanmoins tenter de trouver quel rôle assigner à chaque accord, ce qui nous aidera à composer des progressions d'accords intéressantes en mineur.

Gamme de la mineur harmonisée

À titre d'exemple, nous considérerons les triades de la gamme de la mineur.

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Le rôle de tonique

L'accord i (Am) reste l'accord bâti sur la note fondamentale de la gamme. Même s'il n'évoque plus ce sentiment de « tout est bien qui fini bien » qu'on avait en majeur (et c'est d'ailleurs l'objectif), il reste l'accord qui apporte la stabilité, le retour à la normale. L'accord i conserve clairement son rôle de tonique.

L'accord VI (F), qui partage deux notes avec l'accord i, possède lui aussi une certaine stabilité, et peut donc se voir assigner un rôle de tonique.

Le vent — Georges Brassens (premier couplet)

Le couplet de la chanson est composé de deux progressions i VI V7, très similaires à une progression I IV V en majeur.

           Am                  F
Si par hasard, sur l'Pont des Arts
               E7
Tu croises le vent, le vent fripon
                  Am     E7    Am
Prudence, prends garde à ton jupon.
           Am                   F
Si par hasard, sur l'Pont des Arts
               E7
Tu croises le vent, le vent maraud
                 Am
Prudent, prends garde à ton chapeau.
 

L'accord III (C), l'autre accord à partager deux notes avec l'accord i, peut également être utilisé dans un rôle tonique, mais avec plus de nuances.

En majeur, il y a une tierce majeure entre les fondamentales des accords I et iii. En mineur, il y a une tierce mineure entre les accords i et III. Cette tierce mineure, moins stable que la tierce majeure, donne moins d'impression de stabilité à l'accord III. Le rôle de l'accord III sera donc moins clairement défini, à cheval sur la tonique ou la sous-dominante en fonction du contexte.

Le rôle de dominante

On a vu que l'accord v (Em) peut servir de dominante mais on lui substituera fréquemment une version majeure : V7 (E7). Nous en avons vu de nombreux exemples dans les leçons précédentes.

Une différence assez marquée avec le mode majeur tient dans l'utilisation de l'accord VII (D). En majeur, l'accord vii° est rarement utilisé. En mineur, l'accord VII partage deux notes avec l'accord v, et il est parfois utilisé dans un rôle de dominante.

Zombie — The Cranberries (refrain)

Dans « Zombie » des Cranberries, la suite d'accord Em C G D (i VI III VII) se répète en boucle. L'accord VII ici ramène vers le début de la boucle et peut donc servir de dominante.

        Em            C
In your head, in your head
       G             D
Zombie, zombie, zombie
               Em            C
What's in your head, in your head
       G             D
Zombie, zombie, zombie

Le rôle de sous-dominante

Le rôle de sous-dominante, parfois un peu fourre-tout, échoit aux accords que l'on n'arrive pas à caser dans les autres catégories ou dont les rôles ne sont pas parfaitement évidents.

Les accords iv et ii° n'ont pas encore été mentionnés. Hop ! sous-dominante !

Mémère — Michel Simon

Chantée par Michel Simon, « Mémère » aurait inspirée Brel à composer sa « Chanson des deux amants ».

Sur le deuxième vers, on trouve une progression Bm7b5 E7 (ii∅ V7), qui illustre un usage de l'accord ii comme sous-dominante.

Note : les notations pour les accords diminués n'ont pas encore été étudiées. Nous y reviendrons.

   Am                         D           Am 
 Mémère, tu t'en souviens, de notre belle époque
    Am               D          Bm7b5       E7 
 C'était la première fois qu'on aimait pour de bon.
   Am                           D                Am 
 A présent, faut bien l'dire, on a l'air de vieux schnocks,
      Am         C/G    D/F#       F       E7   Am 
 Mais c'qui fait passer tout, c'est qu'on a la façon.

Mais même les accords mentionnés plus haut (III, VII, VI, etc.) peuvent endosser un rôle de sous-dominante dans une progression.

Hit the road Jack — Ray Charles

Dans Hit the road Jack, l'accompagnement au piano consiste en une simple boucle d'accords A♭m F♭ E♭7 (i VI V7 en la♭ mineur).

Une classification qui sera plus à prendre comme guide que comme règle absolue.

En résumé

Par rapport au majeur, l'harmonie fonctionnelle est moins bien définie en mineur. Les règles sont plus floues, mais cela offre finalement plus de possibilités pour créer des progressions intéressantes.

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Illustration : une guitariste joue sur une chaise

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