D'où viennent les notes de musique ?

Le tempérament égal ou l'art de couper la poire en douze

Nous en arrivons maintenant au système actuel, portant le doux nom de tempérament égal.

L'idée en est très simple : puisque l'on veut obtenir une gamme à douze notes réparties sur une octave, et bien, divisons l'octave en douze intervalles très exactement égaux et basta !

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Une gamme à douze notes qui divise l'octave en douze parties égales.

On nomme cette gamme « la gamme tempérée ».

Notez que cela revient à construire un tempérament mésotonique mais en répartissant le comma pythagoricien uniformément sur les douze quintes au lieu de quatre seulement.

Sauf à de très rares exceptions, la gamme tempérée est devenu le modèle unique en occident : littéralement tous les instruments que vous pourrez trouver dans votre magasin de musique préféré sont réglés ainsi.

Procédons à quelques observations sur cette gamme.

Des intervalles facilement manipulables

Puisque l'octave est divisée en douze parties égales, il en ressort que la gamme tempérée permet des additions d'intervalles qui sont très satisfaisantes pour l'esprit et pour les compositeurs :

  • deux demi-tons égalent un ton ;
  • un ton plus un demi-ton valent une tierce mineure ;
  • deux tons valent une tierce majeure ;
  • une tierce plus un demi-ton valent une quarte ;
  • une tierce majeure plus une tierce mineure valent une quinte ;
  • trois tierces valent une octave ;
  • etc.

Cette exactitude facilite énormément la manipulation mentale des intervalles.

Enharmonie parfaite

Cette étude de l'histoire des notes de musique nous a permis de comprendre pourquoi il existe deux types d'altérations — « ♯ » et « ♭ » —, toutefois, on remarque que dans la gamme tempérée, il y a une équivalence exacte entre do♯ et ré♭, mi♯ et fa, la♯ et si♭, etc. On qualifie ces paires de notes d'enharmoniques.

Sur un piano, chaque paire de notes enharmoniques est affectée à une seule et même touche.

On constate une fois de plus que la gamme tempérée facilite les choses pour tout le monde.

Toutes les tonalités sont utilisables

Parmi les gammes étudiées précédemment, nous avons vu que certaines ne permettaient pas l'accès à certaines tonalités, par exemple à cause de la quinte du loup. Dans d'autres cas, comme avec les tempéraments inégaux, toutes les tonalités sont accessibles mais présentent une « couleur » différente.

Ce n'est plus le cas ici : toutes les tonalités sont accessibles, car elles sonnent exactement de la même manière.

Il n'y a donc plus aucune limite aux problèmes de transposition. N'importe quelle mélodie peut être transposée d'autant de demi-tons que l'on souhaite dans n'importe quelle direction.

Fabriquer des instruments de musique devient moins complexe

La gamme tempérée a rendu beaucoup plus simple la facture d'instruments, notamment ceux à frettes, comme les guitares, luths, ukulélés, etc. En effet, il est plus facile de disposer des frettes à intervalles réguliers sur le manche d'une guitare que de procéder aux micro-ajustements que réclamerait un tempérament inégal.

Tous les intervalles sont faux

À première vue, la gamme tempérée semble n'apporter que des avantages, mais il n'en est rien. Notons par exemple que tous les intervalles (à part l'octave) sont faux.

Ainsi, les quintes ne sont pas exactement des quintes pures (elles en sont toutefois très proches), les tierces sont encore relativement éloignées de la tierce pure (mais moins que les tierces pythagoriciennes), etc.

La gamme tempérée s'est malgré tout démocratisée quand les musicien·nes ont considéré que les avantages proposés valaient bien ces petites concessions.

Toutes les tonalités sont les mêmes

Avec la gamme tempérée, toutes les tonalités sonnent de manière identique. C'est d'un côté bien pratique mais certains puristes prétendront qu'il y a là une perte de richesse et que c'est un recul par rapport au tempérament inégal qui permet des tonalités ayant des « couleurs » uniques.

Pourquoi n'y a-t-on pas pensé avant ?

Quand on comprend que les musiciens s'arrachent les cheveux depuis des siècles pour parvenir au « bon » tempérament, on se demande pourquoi l'idée de la gamme tempérée, tellement simple et logique, ne s'est pas démocratisée plus tôt.

Il y a plusieurs raisons.

D'abord, il faut mentionner qu'à l'échelle de l'Histoire, la démocratisation de la musique est un phénomène récent. Aujourd'hui, même si nombreux sont celles et ceux qui dédient leur vie à la musique, il n'en reste pas moins que n'importe qui peut acquérir une guitare et se contenter d'apprendre à gratouiller quelques accords sur la plage (et nous trouvons ça merveilleux). Pour nos oreilles peu entraînées, qu'importe si une quinte n'est pas tout à fait une quinte, ou une tierce pas tout à fait une tierce ?

Il y a quelques petits siècles, la chose était différente : la musique était une affaire sérieuse. Sans doute les oreilles de l'époque, beaucoup plus raffinées, étaient plus réticentes à ces concessions harmoniques.

Et puis, la musique évolue. Une sonate de Mozart sur un clavecin mal reglé, c'est horrible ; Highway to Hell joué à fond les ballons sur une guitare électrique un peu désaccordée, ça passe.

Difficultés d'accordages

Mentionnons également qu'il est assez difficile d'accorder un instrument sur la gamme tempérée. Bien sûr, on dispose aujourd'hui d'accordeurs électroniques qui peuvent donner la hauteur d'une note au Hertz près, mais ce n'était pas le cas au XVIIe siècle.

Sans rentrer dans les détails mathématiques, rappelons qu'avec la gamme de Pythagore, pour trouver la fréquence de la quinte à partir d'une note de départ, il faut multiplier sa valeur par 3 / 2 = 1,5. Avec la gamme tempérée, il faut utiliser la valeur (12√2)7 = 1,498307077. Plus tout à fait la même histoire, n'est-ce pas ?

À vous de jouer

C'est désormais à vous de jouer. Saisissez votre instrument, assurez vous qu'il soit bien accordé, et jouez la gamme diatonique.

La gamme diatonique

Il est temps de faire sonner par vous-même une gamme diatonique, en l'occurence la gamme de do majeur. Dans les tablatures, nous avons inclus les sept notes de la gamme plus la première note de la gamme à l'octave supérieure.

Sur une guitare, il serait bien sûr possible de jouer une gamme en restant sur une seule corde, mais l'usage veut qu'on essaye plutôt de garder la main gauche dans la même position et qu'on passe de corde en corde.

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Sur le piano, la gamme de do est facile à trouver : localisez un do puis enchaînez les touches blanches jusqu'à retomber sur le do suivant.

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Bref !

Avec la démocratisation de la musique, l'avènement du tempérament égal était sans doute inévitable. C'est la raison pour laquelle, aujourd'hui, il y a strictement le même intervalle entre deux touches consécutives sur un piano.

En résumé

La gamme tempérée est celle qui s'est démocratisée et a remplacé toutes les autres. Son principe est simple : il suffit de découper l'octave en douze demi-tons exactement égaux entre eux. Cette gamme est extrêmement pratique, au prix de quelques concessions sur la pureté harmonique.

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Illustration : une guitariste joue sur une chaise

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